9èmes rencontres du réseau Espace rural & projet spatial (ERPS) 9-11 octobre 2019

 

Synopsis et objectifs

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Après avoir traité des transitions énergétiques en 2015 (Coste, et al., 2018) et des transitions économiques en 2017, les rencontres 2019 du réseau « Espace rural et projet spatial » (ERPS) poursuivront cette réflexion en interrogeant les nouvelles formes d’action et de démocratie à l’œuvre dans les territoires ruraux. Sont ainsi convoqués pour ces prochaines rencontres les savoirs disciplinaires, experts et citoyens fondés sur la praxis, permettant d’explorer, au prisme des transitions, les modalités d’action et les imaginaires politiques associés au projet spatial dans ses différentes échelles et finalités.

Si l’urbanisation contemporaine affecte lourdement les territoires dans leur dimension matérielle et écologique, elle bouleverse aussi les sociétés qui les habitent, réduisant fortement (et les dépossédant parfois en totalité) leur capacité à s’autodéterminer, c’est-à-dire à interagir avec le milieu et à le transformer de manière auto-soutenable (Sassen, 2014). Plus encore que dans les villes, qui ont souvent été le terreau de résistances, ces processus de dépossession ont affecté en profondeur les territoires ruraux, touchés par des mutations profondes de leurs économies. Les savoirs et les compétences qualifiés de « populaires » ont été fragilisés et délégitimés (Darré, 2006 ; Salmona, 1994)1 par l’hyper-technicisation du cadre de vie et l’emprise du pouvoir de la science, avec pour effet d’augmenter la distance entre la sphère politique et celle de la vie quotidienne et de dépouiller de plus en plus les populations de leurs capacités d’action, notamment collectives. En dehors de ces « tendances lourdes » pourtant, une profusion d’initiatives à la petite échelle questionne les champs de l’action publique, la pertinence des découpages territoriaux et des compétences associées.

De telles initiatives nous semblent relever d’un processus de transition, au sens où l’entend le philosophe Pascal Chabot (2015), c’est-à-dire comme « manière de comprendre et de susciter le changement ». Sur le plan environnemental, l’idée de rupture totale avec le passé apparaît en effet impossible : l’écologie politique contemporaine elle-même a abandonné l’illusion d’un « paradis perdu » sous-jacente à l’idée de révolution (Hache, 2012) et la seule possibilité semble aujourd’hui celle de l’adaptation au changement climatique2 , contrainte de composer avec les effets des choix de société passés. Que produit alors cette évolution en termes de philosophie de l’action, dans le champ du projet spatial ? De plus, une sorte de « récit collectif » semble se dégager de ces initiatives par le bas, via l’invention de nouvelles formes de production et de consommation fondées sur la convivialité, la solidarité et l’auto-soutenabilité (Becattini, 2015). Plusieurs formes de reterritorialisation en émergent, qui mobilisent sous un nouveau jour les enjeux de la proximité et du principe de subsidiarité, selon lequel la décision et la responsabilité d’une action reviennent au groupe le plus directement concerné.

Au sein de ce récit collectif nous intéresse particulièrement la question récurrente de la démocratie directe et des modes d’autogestion - il suffit de penser au retour en force des termes de « souveraineté » et d’ « autonomie » - alimentaire, numérique, énergétique, etc. Face à une action publique souvent perçue comme surplombante, souvent contrainte par la pression d’intérêts privés forts (liés à la financiarisation de l’économie globalisée notamment), et guidée par un prétendu « intérêt général », ces initiatives revendiquent l’existence et la légitimité d’un nous : des individus concrets, porteurs d’existences, de savoirs, de questionnements et d’attentes engagés dans l’action (Dardot & Laval, 2014). De même en France, comme à l’étranger, les grandes luttes citoyennes contre les logiques d’appropriation territoriale - de l’occupation du Larzac, dans les années 1970, jusqu’à celle de Notre-Dame-des-Landes - sont, d’une certaine manière, des observatoires des formes de fonctionnement d’un avec, rendant ces mouvements indissociables des territoires où ils émergent. L’ensemble de ces « ruralités en action », par cette double dimension du nous et de l’avec, fait émerger des nouvelles formes de territorialités et de réappropriation d’une capacité d’action par les habitants-usagers-citoyens (Bassand, 2001).

 

1 Ces travaux montrent que les questions du rapport au savoir engagent plus largement une relation de pouvoir économique et symbolique. A ce sujet, voir aussi : P. Bourdieu, 2004. « Racisme de l’intelligence », Le Monde Diplomatique, avril 2004. 2 La notion « d’adaptation » contient en elle-même l’idée d’une continuité là où il s’agit sans doute davantage d’un moment de rupture comme opportunité (kairos) de co-évolution des sociétés humaines et de leurs milieux. Cf. A. Gras, 2014. « Le sens de l’histoire en question », Communications, 95, p.31-40.

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